Nul ne peut vraiment dire qui a inventé le verre. Né d’un concours de circonstance, le verre est un produit de fusion non organique qui se solidifie lors du refroidissement, sans se cristalliser.

Pline l’Ancien (23-79 historien romain), dans son Histoire naturelle, attribue au hasard la découverte du verre à des marchands phéniciens transportant du natron (carbonate de sodium décahydraté) voir nitre (autrefois nommé salpêtre). Ils auraient accosté sur les rives de l’embouchure du fleuve Belus, proche du mont carmel. Après avoir fait un feu sur la plage de sable fin, ils auraient utilisé des blocs de natron pour supporter leur marmite, ainsi sous l’action du feu le mélange sable/natron aurait produit un matériau fondu et transparent après refroidissement.

Le fait est douteux, car il est probable que la réaction à l’état solide entre les deux corps doit être difficile à réussir dans ces conditions. L’élaboration du verre nécessite une température de fusion d’environ 1300°C et sa découverte est probablement liée à d’autres activités. De l’Egypte, l’art de faire le verre gagna Sidon dont les sables étaient renommés, puis se répandit en Perse. Lorsque César eut soumis l’Egypte, il imposa les joyaux de verre comme tribut de guerre ; il semble qu’à Rome la fabrication commença vers 31 av. J.-C. Dans les ruines de Pompéi, on a trouvé des maisons garnies de leurs vitres. Si l’on compare leur analyse avec celle d’un verre actuel, on y trouve plus de soude; de plus, les Romains savaient déjà corriger la couleur due au fer par le bioxyde de manganèse (savon des verriers). La disposition des bulles dans ces verres indique qu’ils opéraient par coulage.

Voir aussi  Histoire technique du verre dans l’espace euro-méditerranéen

Après l’envahissement de la Gaule par les Romains, l’industrie du verre artistique devint prospère; on a trouvé des vases de toutes beautés diversement colorés. Dès le VIe siècle apr. J.-C., les mosaïques de verre donnèrent naissance aux vitraux des édifices religieux. Au moment du démembrement de l’Empire d’Occident, Constantin transporta l’art du verrier à Byzance, où se réalisèrent par la suite des vases très précieux et de grande réputation.

Survint alors, avec le Moyen Age, une période de longue stagnation; les vitres disparurent des maisons et les fenêtres diminuèrent de dimension. Il fallut attendre la fondation de Venise, puis la prise de Byzance. Les Vénitiens s’attachèrent les artistes verriers et pour que les secrets de fabrication soient bien gardés, les ateliers furent transportés dans l’île de Murano; les ouvriers ne devaient en sortir sous aucun prétexte, sinon leurs biens étaient confisqués et les membres de leur famille emprisonnés. Venise garda pendant plusieurs siècles la suprématie de la joaillerie de verre, le soufflage des perles fausses et la fabrication des glaces.

En France, Philippe VI établit en 1330, dans l’Eure, à Bézu-la-Forêt, la première verrerie à vitres (dite de la Fontaine du Houx) au profit de Philippe Cacqueray, écuyer, inventeur des feuilles planes ou « plats de verre » qui se vendaient en paniers. Une gravure célèbre d’Agricola nous montre un four de verrier et un colporteur de ces plats portant l’épée au côté. Les verriers de gros verre avaient rang de gentilshommes. La verrerie de Beauvoir, fondée en 1355 en forêt de Lyons (dite du Landel), très riche en « boys et fougères propres à faire verre », a subsisté pendant des siècles. De même, en Lorraine le privilège de souffler le verre fut accordé à quatre nobles, qui juraient de n’enseigner leur art qu’à leurs descendants.

Louis XI organisa la corporation Saint Marc devint patron de la communauté avec son autel dans l’église Sainte-Croix de La Bretonnerie à Paris. Saint Marc fut détrôné par Henri IV au profit de saint Eloi, dont le culte était célébré dans l’église de la Trinité. Au début du XIVe siècle un inventeur, dont le nom est perdu, a eu l’idée de couler du plomb fondu derrière un verre d’épaisseur uniforme et dans l’inventaire de Jean sans Peur (1410), on trouve des « miroirs de verre à mirer ».

Au XVIIe siècle, Colbert chargea l’ambassadeur de France à Venise, François de Bouzy, de dérober les secrets de fabrication des glaces et de capter des ouvriers, ce qui permit de fonder en 1665, rue Saint-Antoine, à Paris, la première glacerie. L’usine périclita rapidement par la faute, semble-t-il, de la mauvaise volonté des Vénitiens exilés. C’est alors que Colbert apprit l’existence à Tourlaville (Manche) d’une manufacture de verre blanc dirigée par Richard Lucas, sieur de Nehou, et qui avait à son service des jeunes gens ayant surpris à Venise les tours de main des miroitiers. Enfin, de Nehou alla s’installer en 1695 au château de Saint-Gobain et il y mit au point, trois ans plus tard, le coulage des glaces pour remplacer le soufflage.

La première cristallerie de Baccarat ne fut fondée qu’en 1815. Retenons encore le nom de François de Garsonnet, fondateur et directeur de la Manufacture royale de Rouen (Saint-Sever) en 1605 et qui, dès 1616, commença à chauffer ses fours avec la houille à la place du bois. C’est pourquoi nous voyons, après cette date, se déplacer progressivement les verreries de Normandie. Le poids du charbon étant inférieur à celui des produits finis, il devenait important de se rapprocher des mines de Carmaux, d’Anzin ou encore auprès des sources minérales du Massif central, ou même des régions vinicoles du Bordelais ou de la Champagne.

On peut dire qu’actuellement 95 % des objets de verre sont faits mécaniquement. Une machine Corning peut produire plus d’un million d’ampoules électriques par jour. Pour la décoration, de grands progrès ont été réalisés depuis 1920. La première société pour la technologie du verre fut établie à Sheffield en 1916. Auparavant, on connaissait des écoles à Zwiesel (Bavière), à Novy Bor (Tchécoslovaquie), à Rheinbach (Allemagne).

L’utilisation des machines automatiques tend à la standardisation des matériaux utilisés. La fabrication du verre est unique en son genre, puisqu’elle le produit et donne à la sortie du four l’objet ayant sa forme définitive, sans passer par un lingot comme dans le cas d’un métal.

Quant au soufflage du verre proprement dit, nous savons que l’homme le connaissait dès 2000 avant J.-C. Il aurait été inventé par les Babyloniens vers 250 avant Jésus-Christ. Dans le livre sur les fourneaux et instruments de chimie de Zozime le Panapolitain (fin du IIIè siècle), nous trouvons la description d’appareils déjà très complexes dont le Tubicus ou alambic à trois ballons (fig. 1). Le ballon (1) était le plus souvent en terre, les ballons (2) et (3) étant toujours en verre. Les tubes de communication étaient en métal et les joints en lut d’argile.

Les alchimistes du Moyen-Age se servaient surtout de cornues, de ballons et de tubes. Ce n’est que vers la fin du XVIII è siècle qu’apparurent de façon courante les instruments de verre soufflés au chalumeau.

A l’époque de GAY-LUSSAC et de BERZÉLIUS, on savait fabriquer presque tous les appareils utilisés actuellement de façon courante dans les laboratoires de chimie. Seul le rodage émeri était peu employé. Par contre, l’on faisait déjà grand usage de la verrerie graduée.

Le principal outil du souffleur de verre était, autrefois, la lampe d’émailleur (lampe à huile). Il faudra attendre 1860 pour que le chauffage au gaz se répande dans les laboratoires modifiant par la même les techniques de soufflage.

Le soufflage du verre à la lampe remonte à une époque très ancienne. MANGET en 1702 dans sa « Bibliotheca chemica curiosa » nous fournit les détails d’une table de soufflage avec dispositif pour compression de l’air ; cette table aurait d’ailleurs été en usage depuis fort longtemps. Dans certains cas, le verrier soufflait lui-même dans un petit tube arrivant dans la flamme. Dans les ateliers plus spécialisés, il y avait une actionnée par un double pédalier en tout point analogue à ceux des orgues d’autrefois. Vers 1860, on imagina le chalumeau articulé, à double arrivée (air-gaz). Ce système ne donnant pas une flamme suffisante pour le travail des grosses pièces, il fut remplacé par le chalumeau muni d’un injecteur cylindrique ; actuellement ce genre d’appareil n’est plus d’un usage courant.

Travailler dans des récipients en verre ordinaire ou en cristal constituait pour le chimiste un tour de force. Lorsque l’on chauffait un ballon ou une fiole conique, il existait toujours une certaine probabilité pour qu’ils se fendent. Il était tout aussi osé de les plonger encore chauds dans l’eau froide. On remédiait à ces inconvénients en travaillant dans des contenants aux parois si minces qu’il n’était pas rare de les voir osciller sous la pression du liquide.

Le verre borosilicate fut d’abord développée par l’allemand Otto Schott verrier à la fin du 19e siècle, commercialisé en 1893 sous la marque « Duran » et Corning présenta le « Pyrex » en 1912.

Ce verre borosilicaté libéra la chimie de ces entraves permettant des chauffages et des réfrigérations successifs sans dommages matériels. On adapta alors le chalumeau à injecteur au soufflage du borosilicaté en substituant l’oxygène sous pression à l’air comprimé ou en réalisant un mélange de ces deux derniers. Les chalumeaux actuellement utilisés comprennent en général un mélangeur de gaz/oxygène. Ce procédé fournit une flamme beaucoup plus homogène.

Conclusion

De l’obsidienne, qui en est une forme naturelle, à la silice fondue, qui en est une des formes de synthèse, le verre est le produit de 6500 ans d’évolutions techniques. Il a subi un long développement depuis son origine jusqu’à nos jours et évoluera encore. Il est désormais omniprésent sous des formes et des propriétés différentes. Incolore ou teinté, creux, plat, moulé, soufflé, filé, il existe aujourd’hui des centaines de verres avec des applications toutes plus diverses les unes que les autres. Nous pourrions citer différents domaines d’applications dans l’industrie, la chimie, la physique, le nucléaire, l’espace et le foyer familiale.

Dans le soufflage de verre en verrerie scientifique, nous parlerons que de quelques verres et toujours soufflés à la bouche.